À trop voir les instruments à corde à travers le seul prisme de la guitare, on en oublie parfois qu’il en existe d’autres, beaucoup d’autres…
Des instruments tout aussi intéressants que la guitare, aux sonorités uniques et à l’histoire souvent riche et ancienne. Car ne l’oublions pas non plus : la guitare est l’une des toutes dernières nées d’une très longue lignée d’instruments à cordes remontant à des milliers d’années, comme nous avons pu l’aborder dans un précédent article sur l'histoire de la guitare.
Il convient donc de rendre honneur à ses différents instruments à cordes à travers le monde (à cordes pincées, précisons-le), en dévoilant leur histoire, leurs illustres représentants ainsi que leur place dans la musique d'aujourd'hui. Sans oublier quelques anecdotes bien choisies (saviez-vous par exemple que le banjo était originaire d’Afrique ? Et que le ukulélé venait non pas des lointaines îles du pacifique mais bien du Portugal ?).
Mais sans plus d’exposition, découvrons ensemble 10 de ces instruments à cordes célèbres à travers le monde.
L’on ne pouvait pas commencer ce tour d’horizon des instruments à cordes à travers le monde sans mentionner le Luth. Originaire du Moyen-Orient, cette “proto-guitare” très ancienne (les premières mentions d’instruments à cordes pincées s’apparentant au Luth remontent aux premiers peuples Mésopotamiens il y a plus de 3000 ans) est emblématique de cette région du monde. Elle a été par la suite déclinée en de nombreux autres instruments (dont le Oud, la mandoline, le mandole… et bien sûr la guitare).
Le Luth a été introduit en Europe vers le 8ème siècle, par l’Espagne d’abord, du fait des conquêtes arabes, puis s’est remarquablement répandu dans les autres pays européens jusqu'à devenir l’instrument populaire emblématique du Moyen-âge.
Avec ses sonorités chaudes et vibrantes, le Luth est encore joué aujourd’hui (ce qui en fait sûrement l’instrument à corde à la longévité la plus impressionnante) et voit même un regain d’intérêt avec la redécouverte des musiques et instruments anciens. Il possède même ses grandes figures contemporaines, comme l’espagnol Miguel Y. Serdoura, adepte des mélodies complexes du Luth et ambassadeur du retour de cet instrument emblématique en Europe.
Instrument à cordes iconique de la musique indienne, le sitar est l’un de ces instruments dont on a tous entendu parlé, sans pour autant savoir à quoi il ressemble…
Bien plus récent que le Luth, son origine remonterait au 18ème siècle à Delhi, où le musicien Amir Khusrau chercha à développer un instrument innovant et polyvalent pour la cour royale de l’époque.
Cet instrument de musique complexe, à 20 cordes et frettes mobiles disposées sur un long manche de bois et se terminant par une caisse ronde, offre une gamme sonore extrêmement riche et harmonique. Le sitare a ainsi permis de développer les bases de la musique indiennes modernes, vu par beaucoup comme l’une des plus complexes et intéressantes au monde.
Toujours utilisé aujourd’hui dans un contexte de musique traditionnelle, le sitar a plusieurs fois dépassé les frontières de l’Inde, popularisé notamment par les Beatles, dont les membres adoraient les sonorités “psychédéliques” de l’instrument. John Lennon a ainsi invité le légendaire Ravi Shankar, virtuose du sitar, à enregistrer à plusieurs reprises avec eux.
Hors de la musique traditionnelle indienne, le sitar est également prisé par les groupes de rock psychédéliques ou même par les artistes de musique électronique !
Ah le bon vieux banjo et ses notes métalliques chantantes qui sentent bon la campagne américaine et la Country le soir au fond des bars… Mais vous serez peut-être étonné de savoir que cet instrument à corde emblématique de l'Amérique profonde vient en réalité d’Afrique, et plus spécialement du Sénégal et de Gambie !
Comme d’autres instruments et traditions issus du continent africain, le banjo a accompagné les premiers esclaves noirs emmenés de force en Amérique du Nord pendant la traite négrière. D’abord joué exclusivement par les Afro-américains, le banjo devient peu à peu un instrument populaire, joué par toutes les ethnies des USA. Il débute ainsi son âge d’or dans les années 1930 avec le style “Bluegrass”, popularisé par le joueur de banjo virtuose Earl Scruggs, puis avec la musique Country, le Folk et même le Jazz.
Il a gardé cet héritage jusqu’à aujourd’hui, où il est encore très populaire au sein de ces styles.
Icône de la musique romantique italienne, la mandoline est l’une de ces descendantes directes du Luth Moyen-oriental. Assez proche dans sa forme à la guitare classique, elle s’en distingue néanmoins avec sa taille plus réduite et sa caisse ovale et très bombée caractéristique.
Désignée en tant que telle dès le 15ème siècle en Italie, la “mandola” adopte sa forme moderne au 18ème siècle, où elle devient très populaire dans la région Napolitaine.
Si cet instrument à cordes très mélodique a connue une longue période de déclin (sauvée quelque peu par son image d’instrument romantique), elle a su se faire une place aujourd’hui dans des styles “nobles” comme le Classique et la Baroque (très présente dans les concertos et opéras italiens), mais également dans la musique Folk espagnole, irlandaise, américaine et même israélienne, où elle est jouée d’une main de maître par le virtuose Avi Avital. Pas mal !
Grande sœur de la mandoline, le mandole en partage sans surprise les mêmes origines directes, à savoir le Luth du Moyen-Orient. Plus grand que son homologue italien, le mandole en a sensiblement la même forme, avec une large caisse ovale et bombée produisant des sons métalliques très mélodieux, constituant la base de la musique algérienne Chaâbi.
Introduit au Moyen-âge en Algérie via l’Andalousie musulmane, le mandole doit attendre le 20ème siècle pour acquérir ses lettres de noblesse dans la musique traditionnelle algérienne. Grâce notamment à des personnages comme Hadj Mohammed El Anka qui a particulièrement développé le genre Chaâbi grâce à cet instrument.
Toujours joué aujourd’hui dans le cadre d’orchestres traditionnels, aux côtés de percussions comme la Derbouka, le mandole offre une musique rythmée et entraînante. C’est le musicien Kaddour Belkonidhi qui a aujourd’hui repris le flambeau, en se produisant partout en Europe avec son fidèle mandole et son orchestre El Guedara.
Petit instrument à cordes pincées originaire d'Hawaï, le ukulélé a acquis une place de choix dans la musique populaire de nombreux pays (mais également dans la pop culture) avec sa forme sympathique de mini-guitare et ses sonorités entraînantes et sèches, du fait de ses cordes en nylon.
Mais si vous avez bien suivi, vous savez qu’il y a un twist, car avant de devenir l'instrument à corde emblématique des îles tropicales du pacifique, le Ukulélé à d’abord dû traverser toute la planète depuis son berceau du Portugal.
Version alternative du Cavaquinho, un autre instrument à corde portugais, il fut emporté par des marins jusqu’à l’archipel d’Hawaï au 19ème siècle, où les styles et matériaux locaux lui ont donné sa forme actuelle.
Si le ukulélé est toujours utilisé dans la musique traditionnelle hawaïenne, il a pu investir des styles très variés, comme le Folk, le Jazz, le Rock ou encore le Reggae. Il a notamment été rendu célèbre par l’interprétation de “Over the rainbow” du regretté Israel Kamakawiwo'ole. Plus récemment des artistes comme Jake Shimabukuro offrent une redécouverte de ce petit instrument à corde dans des registres inattendus comme… le Heavy Metal !
Décidément, l’influence du Luth ne connaît pas de frontières ! Car il est également à la base du plus célèbre instrument à corde de l’archipel nippon : le shamisen.
Ce singulier instrument au long manche très fin, sans frettes et composé de trois cordes pincées, trouve son origine au 15ème siècle, lorsque son homologue chinois d’alors, le Sanxian, y a été introduit.
Particulièrement élégant, cet instrument prisé des salons et cours aristocratiques japonais au 18ème et 19ème siècle est reconnaissable par ses sonorités profondes et vibrantes, très appréciées aussi pour accompagner les pièces de théâtre Kabuki.
Aujourd’hui très populaire dans la pop culture, le shamisen (tout comme le Koto, un instrument apparenté) est sorti de son cadre traditionnel pour être intégré dans des styles beaucoup plus récents, comme la pop ou encore l’électro. La jeune musicienne Yuzu Natsumi a ainsi fait de cette utilisation moderne du shamisen une spécialité.
Si le nom ne vous dit rien, vous en avez pourtant sûrement déjà entendu ! Instrument le plus emblématique et populaire de la musique chinoise, le Pipa se compose d’une large caisse en forme de poire et d’un manche court couronné de 4 clefs proéminentes soutenant 4 cordes.
Très ancien (son origine remonte à plus de 2000 ans tout de même), cet instrument à cordes pincées à fait les beaux jours des musiciens impériaux et autres intellectuels de la musique chinoise lors de concertos traditionnels, avec des sonorités vibrantes et entêtantes.
Indissociable aujourd’hui de la musique traditionnelle chinoise, le pipa est joué en solo ou bien au sein d’orchestres par des virtuoses comme la célèbre Wu Man, qui se produit dans le monde entier. Mais loin d’être cantonné au seuls orchestres et salons, il est également repris par des artistes aux styles très variés et contemporains (Kronos Quartet, Yo-Yo Ma…).
L’instrument à corde 100% africain de ce top, le Kora est une imposante guitare originaire d’Afrique de l’ouest, et plus spécifiquement du Mali. Impressionnant avec son très long manche à l’aspect brut, sa grosse caisse ronde et ses 21 cordes, le Kora a la particularité de se jouer en le tenant face à soi, un peu à la manière d’une harpe.
Possédant des origines incertaines, cet instrument singulier remonterait à l’ancien royaume de Kaabu, dans l’actuelle Gambie, sur une période allant du 13ème au 18ème siècle. Avant d’être introduit au Mali où il deviendra très populaire
Encore aujourd’hui un instrument phare de la musique traditionnelle Malienne, le kora a pu néanmoins s'ouvrir à d’autres pays grâce à l’influence de musiciens et d’ambassadeurs comme Toumani Diabaté ou Seckou Keita, qui vont perpétuer l’héritage du kora tout en exploitant ses sonorités particulières au sein de styles comme le Jazz.
Car il faut bien finir par évoquer l’Amérique du sud, lorsqu’on parle de la guitare et des ses cousines à travers le monde ! Nous nous arrêtons ici sur le Charango, un instrument à cordes assez méconnu composé d’une caisse de forme “Jumbo”, d’un large manche et d’une tête massive retenant 5 cordes doublées.
Très populaire dans les pays Andins comme le Pérou, le Chili ou la Bolivie, son origine remonte aux anciennes guitares et luths rapportés par les conquistadors en Amérique du Sud au 16ème siècle, dont les indigènes ont adaptés la construction à leur environnement (on retrouve ainsi le charango traditionnel avec une caisse en carapace de tatou ou d’armadillo). Parce qu’il était un instrument populaire parmi les peuples indigènes et durant une période tumultueuse, son origine précise est difficile à dater. Elle est cependant attestée de manière certaine au 18ème siècle, où l’instrument est déjà populaire parmi les peuples indigènes des régions Andaises, à l’instar des Quechuas et des Aymaras.
Emblématique de genres traditionnels, comme la Cueca, le charango est aujourd’hui utilisé dans le Jazz, le Rock ou la musique Classique. Il est notamment popularisé par des musiciens actuels comme le Bolivien Ernesto Anaya.
Les quelques exemples d’instruments ci-dessus ne sont qu’une fraction de toutes les variantes locales qui existent, ou ont pu exister, au cours de l’histoire si riche des ancêtres de notre bonne vieille guitare.
En plus du Oud, du Koto ou du Cavaquinho que nous avons déjà pu évoquer, il y a aussi le Bouzouki grec, le Tar perse, le Baglama turc… Tant d’instruments et de sonorités à découvrir, à apprendre et à ajouter à son répertoire afin d’élargir son univers musical !
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